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Webinaire de Mi-Parcours : Évaluation et perspectives du programme ACP-UE Culture

En novembre 2023, l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) et la Commission européenne (CE) ont conjointement organisé un webinaire consacré à la revue à mi-parcours du Programme ACP-UE Culture. Ce webinaire a réuni les experts chargés de l’évaluation, les partenaires impliqués dans la mise en œuvre du programme ainsi qu’un certain nombre d’opérateurs de terrain ayant bénéficié de subventions. Son objectif était de faire le bilan des réalisations et des défis du programme, tout en avançant des recommandations susceptibles de nourrir les futures initiatives de soutien aux industries culturelles et créatives dans les pays ACP.

Les coproductions au service de l’industrie de l’audiovisuel ACP

La rencontre a débuté par une présentation des progrès significatifs réalisés dans la composante dédiée à la coproduction audiovisuelle ACP. Dotée d’une enveloppe de 10 millions d’euros, celle-ci a principalement ciblé les besoins immédiats et à court terme des acteurs de l’industrie audiovisuelle ACP. À travers ses trois fonds de coproduction partenaires (Clap-ACP, Deental et WCF-ACP), le programme a apporté un soutien à un grand nombre de projets audiovisuels, tant africains que caribéens. La qualité des œuvres produites a même permis à certains projets d’être sélectionnés et récompensés dans des festivals de cinéma de renommée internationale tels que le Festival de Cannes, la Berlinale, la Biennale de Venise, ou encore le Festival international du film documentaire de Copenhague.

En plus de l’appui financier, les fonds ont également organisé une série d’activités de renforcement des capacités et de réseautage pour les réalisateurs et producteurs ACP. Selon Alexiane Jarin, responsable du programme Deental ACP au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), l’objectif est d’aider non seulement les projets individuels, mais aussi les porteurs de projets et les sociétés de production, contribuant ainsi à l’avenir du cinéma ACP. « En aidant un producteur, nous soutenons tous les films qu’il pourra produire. Pour ce faire, lors du Festival de Cannes, nous avons invité des producteurs des pays ACP, sélectionnés par le biais d’appels à projets, à passer une semaine à Cannes. Ils ont participé à des sessions de networking, de mentorat et de pitch. Au cours des deux dernières années, nous avons établi un partenariat avec le Producers Network du Marché du Film de Cannes, offrant ainsi aux producteurs ACP une opportunité d’élargir leur réseau à l’échelle internationale. Cela leur permet d’être exposés à de nouvelles opportunités et perspectives dans l’industrie du cinéma.»

Un autre succès notable de la composante est l’établissement d’un fonds national d’appui au cinéma et l’audiovisuel au Rwanda. Christian Rudahinuka, Directeur du Rwanda Film Office, exprime sa satisfaction : « Nous sommes heureux que notre gouvernement ait privilégié l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel parmi ses priorités. Le premier appel à propositions était expérimental. Ce ne fut pas simple mais nous sommes parvenus à soutenir 33 projets. Un deuxième appel à projets sera lancé début 2024. » Ces réalisations marquent un premier pas vers la mise en place d’un fonds d’aide cinématographique prometteur qui pourra inspirer d’autres pays du continent.

Vers une coopération culturelle accrue dans les régions ACP

De plus, le programme consacre près de 65% de son budget, soit 26 millions d’euros, à la promotion des industries culturelles et créatives dans les différents pays et régions ACP. Cette approche a été bien accueillie pour ses avantages en matière de mobilité des acteurs culturels, de reconnaissance internationale et d’accès à des marchés plus vastes. Cependant, les opérateurs ACP abordent la coopération de manière diverse, et la conception de projets régionaux, voire transrégionaux, reste limitée. Les écosystèmes culturels demeurent fragiles dans les pays bénéficiaires, ce qui génère des défis structurels en dehors du mandat initial du programme.

Concernant les résultats, deux niveaux sont à considérer. Le premier niveau concerne le mécanisme de décentralisation mis en place par le programme pour gérer la mise en œuvre. Ce mécanisme de financement en cascade, reposant sur des partenariats solides avec des organisations internationales, régionales et nationales, s’est avéré puissant, permettant non seulement de répondre aux besoins des secteurs de manière plus ciblée, mais également d’accroître l’efficacité des actions et d’obtenir des résultats probants.

Les organisations culturelles porteuses de projets ont généralement apprécié l’approche tripartite de l’appui, qui ne se limitait pas au financement, mais englobait également un programme nourri de renforcement des capacités ainsi que le réseautage.

Katlego Taunyane, Coordinateur du programme Sound Connects Fund (le pôle régional du programme pour l’Afrique australe), explique : « Le Sound Connects Fund propose un programme intensif d’apprentissage aux porteurs de projets, comprenant des réunions récurrentes pour partager des expériences et des formations dispensées par des experts, notamment en gestion financière, levée de fonds, gestion ou encore en matière de propriété intellectuelle. Ce renforcement des compétences se poursuit également grâce à la Sound Connects Academy en ligne. »

Si l’on examine les limites du mécanisme, on peut remarquer que la mise en place du mécanisme de financement en cascade, définie lors de la formulation du programme, a privilégié une approche quantitative et relativement standardisée, axée sur un système de subventions ponctuelles, octroyées sur des périodes généralement courtes. Cette approche, bien qu’elle ait été bénéfique pour les organisations plus jeunes, a pu se révéler contraignante pour les structures plus matures, qui nécessitent un soutien structurel à plus long terme. A cet égard, l’idée d’une plus grande diversification des types de financement a été plusieurs fois avancée, afin d’accroître la durabilité des actions. Il serait en effet intéressant d’activer également d’autres formes d’aide par-delà les simples subventions, telles que des prêts ou des garanties permettant à des structures plus avancées de lever des fonds de manière plus dynamique et de les responsabiliser sur la nécessité d’un retour sur investissement. De même, un accompagnement financier à plus long terme de certains projets a été proposé, avec un financement de départ, suivi – en fonction des résultats – d’une nouvelle tranche permettant le développement des activités.

Quant au volet administratif tout au long du cycle du projet, depuis la rédaction de la proposition, la gestion technique et financière des projets, la préparation des rapports périodiques, il est généralement considéré trop contraignant. De nombreux interlocuteurs ont plaidé pour davantage de souplesse dans l’application des critères d’éligibilité, ou des  règles de gestion, afin de mieux prendre en compte la diversité des opérateurs et des situations dans les pays ACP. Ces obligations ont pu parfois affecter un suivi plus étroit du développement des contenus des projets. Mantchini Traoré, Gestionnaire du Programme AWA auprès de l’Institut français (le pôle régional pour l’Afrique de l’Ouest), partage ainsi son expérience : « Si nous avions la possibilité de recommencer, nous aurions prévu plus de visites sur le terrain pour améliorer le suivi de proximité et faciliter la connexion entre les projets de la même région. Nous avons également développé un outil d’auto-évaluation basé sur des indicateurs d’impact pertinents, alignés sur les objectifs sociaux des porteurs de projets plutôt qu’économiques. Cet outil sera testé lors d’ateliers en février et mars 2024.»

Et Yara Costa, Directrice de YC Films, bénéficiaire du Sound Connects Fund, ajoute également à cet égard : « Pour des organisations de petits taille, le respect des règles associées à la subvention ACP-UE Culture représente un coût élevé. Les réalités locales devraient être davantage prises en compte lors de la formulation des programmes.». Et d’embrayer sur l’idée d’encourager les partenariats entre organisations plus expérimentées et opérateurs émergents, permettant un accès plus aisé aux financements et des transferts d’expérience bénéfiques à plus long terme.

Une certaine disparité dans le calendrier de mise en œuvre a également été abordée lors des discussions. Tandis que les pôles régionaux africains ont pu lancer un minimum de  trois appels à projets (soit un par an) depuis 2021, les régions des Caraïbes et du Pacifique ont nécessité plus de temps dans le lancement des activités, validant à ce jour deux cycles de financement en faveur d’un nombre plus limité d’opérateurs culturels. Frances Vaka’uta de la Communauté du Pacifique nous en dit davantage « Dans le Pacifique, les ICC sont encore en développement et éparpillées sur un territoire extrêmement vaste. Les capacités en ressources et l’infrastructure sont limitées dans la plupart des territoires et il n’est pas aisé d’atteindre les opérateurs et d’effectuer le suivi de leurs actions. Après la pandémie de la COVID-19, nous sommes parvenus à soutenir huit opérateurs culturels provenant de Fidji et de Papouasie Nouvelle Guinée. D’ici le début 2024, nous devrions confirmer douze interventions supplémentaires dans les Iles Cook, les Iles Fidji, les Iles Marshall, Papouasie Nouvelle Guinée et Samoa. »

Alors que sa phase opérationnelle s’achève en 2024, le Programme ACP-UE Culture affiche déjà un bilan de quelque 400 projets dans les secteurs de l’audiovisuel et des industries culturelles et créatives, répartis sur les six régions cibles. En plus de la production de biens et services culturels de qualité, cette initiative a permis de renforcer les capacités des acteurs impliqués et s’est révélée être un véritable catalyseur de changement en termes de reconnaissance, de visibilité, de gestion opérationnelle, d’identification de partenariats, de développement d’activités commerciales et de professionnalisation des intervenants du secteur. Soit des acquis qui devraient avoir un impact durable sur la poursuite de leurs opérations.

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