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A la rencontre d’Ousmane Samassékou: « Mon film fait écho à une histoire personnelle »

Lors de la projection de son film « Le dernier refuge » à Bruxelles, en mars 2022, le réalisateur Ousmane Samassékou nous a accordé une interview.

 

Votre film aborde la thématique de la migration. Pour ce faire, vous avez suivi le quotidien d’hommes et de femmes qui tentent l’aventure vers l’autre côté de la Méditerranée depuis la maison des migrants à Gao. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous pencher sur cette thématique et à vous concentrer sur cet endroit en particulier?

J’ai réalisé ce film en écho à une histoire personnelle, celle de mon oncle âgé à l’époque de 32 ans. Une fois parti pour la grande aventure, il n’a plus donné signe de vie, laissant ma famille avec un certain nombre d’inquiétudes et de questions irrésolues. Initialement, je voulais faire un film en questionnant la mémoire de ma grand-mère, de mes parents et d’autres membres de notre famille. Au cours de mes recherches, j’ai découvert la Maison des migrants de Gao et j’ai finalement pris la décision de m’y rendre pour découvrir ce qui s’y passe en termes d’accueil mais également en termes de rétablissement des migrants de passage, en partance ou de retour. J’ai donc posé ma caméra dans la Maison des migrants pour y capturer des histoires humaines.

Le tournage a eu lieu dans le Nord du Mali. Les conditions de sécurité n’ont pas dû être évidentes. Comment vous êtes-vous organisé pour surmonter ces défis?

Tourner à Gao est un défi en soi car c’est une zone où l’insécurité sévit fortement : il y a des attaques, des enlèvements. La présence d’une caméra dans ce type d’endroit est particulièrement dangereux pour les personnes qu’on filme mais également pour soi-même et les équipes. Nous avons donc choisi de filmer essentiellement à l’intérieur de la Maison des migrants. En tant que réalisateur, il était primordial de capturer des images du désert. Le désert constitue une composante essentielle du film. Nous avons initialement souhaité filmer le désert à la frontière algérienne mais cela n’a pas pu se faire en raison des problèmes de sécurité. Par conséquent, nous avons délocalisé le tournage dans la région de Tombouctou, soit une zone où passent également un grand nombre de migrants. Cela nous a permis d’obtenir les illustrations souhaitées du désert, de retracer la trajectoire de certains migrants mais également de garantir à la fois la protection des personnes que nous filmions et la nôtre.

Pourquoi le désert occupe-t-il une place si importante ?

D’un point de vue cinématographique, le désert est une composante essentielle. Il est à la fois poétique et sauvage. Il représente le voyage, la solitude, la peine, l’errance de ces voyageurs dont on n’a parfois plus ou peu de nouvelles. C’est également une manière de donner la parole à ces personnes qui ont traversé ce lieu ainsi qu’à toutes les autres traces du vivant (animaux, ossements…). Je voulais également souligner la dangerosité du désert et les conditions hostiles dans lesquelles les voyageurs se trouvent lors de la traversée. Le désert représente quelque part l’obstacle à franchir pour atteindre l’objectif final.

Revenons sur les protagonistes. Comment êtes-vous parvenu à pénétrer dans leur intimité, dans leur quotidien ? 

Lorsqu’on filme des personnes vulnérables, il faut faire preuve de patience, se mettre à leur niveau. Toute personne qui part en quête d’un avenir meilleur, porte un ou plusieurs fardeaux. Ils ne souhaitent généralement pas être vus sous le prisme de cette vulnérabilité. Il y va de la responsabilité du réalisateur de leur faire comprendre l’objectif, la raison d’être de son travail. A partir du moment où le réalisateur est sensible à leur réalité et précise qu’il est là pour documenter des moments d’une vie qui pourra informer et sensibiliser, l’ouverture se crée. L’immigration a souvent été vilipendée par les médias, lesquels tendent parfois à déshumaniser les migrants.

Le film parvient à établir une vraie empathie entre spectateurs et protagonistes. Nous aimerions connaître la suite de leur aventure. Avez-vous gardé des contacts avec eux?

Il est important pour un documentariste de préserver des liens avec les témoins des histoires qu’il narre. Le temps de tournage donne lieu à la création de liens surprenants avec les personnes. J’ai donc essayé de maintenir le contact avec eux que ce soit par téléphone, les réseaux sociaux et autres. Parmi les protagonistes du film, Natacha vit toujours dans la maison des migrants, Kally a été récupérée par ses parents au Burkina Faso et Esther a poursuivi son parcours et se trouve à Alger. A l’issue du montage du film, j’ai pu contacter Esther, grâce aux efforts d’une ONG, qui séjournait à Tamanrasset dans l’attente d’un transfert vers la Lybie. Elle est finalement restée en Algérie et réside actuellement à Alger dans une maison du HCR (Agence des Nations Unies pour les réfugiés).

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