Actualités |
Interview: trois questions à Maître Sylvain Sankale
Dans quel contexte est née la Biennale de Dakar ?
La Biennale de Dakar a été créée en pleine période de crise d’ajustement structurel durant laquelle l’Etat du Sénégal n’avait plus les moyens de la politique culturelle menée antérieurement. Il ne lui était plus possible d’organiser des expositions ni d’acheter des oeuvres. Les artistes se sont plaints et ont suggéré que soit organisée au Sénégal une manifestation leur permettant de les exposer à l’international. C’est ainsi que le Ministère de la culture a décidé d’organiser la première Biennale Dak’Art en 1992 dédiée à l’ensemble des arts. C’est en 1996 que s’est tenue la première véritable biennale d’art contemporain africain. Elle s’est ensuite dotée d’un Secrétariat Général et d’un Conseil scientifique que j’ai moi-même présidé pour la Dak’Art 2000. Dakar s’est progressivement imposée comme une capitale majeure pour les arts visuels sur le plan international bien que nous n’ayons pas encore de musée dédié à l’art contemporain au Sénégal…
Quelles sont les innovations majeures de cette Biennale Dak’Art 2022 ?
L’évolution majeure vient du directeur artistique, M. Malick Ndiaye, qui a créé le Doxantu (promenade en wolof) pour égrener tout au long de la corniche ouest de Dakar une série d’installations et d’oeuvres d’art d’artistes d’excellent niveau. Cette promenade propose un renouveau particulier à la création et à sa visibilité. A cela s’ajoute un « off » qui n’a pas arrêté de croître d’édition en édition. Il compte aujourd’hui un peu plus de 400 expositions différentes, non seulement à Dakar – ville phare de la biennale – mais également dans les régions du Sénégal ainsi qu’à l’étranger. Cet ensemble d’événements confère à la biennale un caractère unique, d’autant plus que les artistes et le public attendaient cet événement depuis 2020. De plus, le niveau est très élevé cette année et je pense même que ce soit le meilleur cru que nous ayons eu depuis la création de Dak’Art.
Comment se porte le marché de l’art au Sénégal et en Afrique aujourd’hui ?
En Afrique, l’art contemporain en Afrique est longtemps apparu comme un phénomène essentiellement occidental qui n’intéressait pas les populations locales. A la fois parce qu’elles n’avaient pas été formées à cela mais aussi parce que les préoccupations de survie immédiate font passer les questions d’art au second plan. Au départ, il n’y avait pas cette sensibilité, cet engouement et cette éducation pour l’art. Petit à petit, les choses ont évolué: de plus en plus d’écoles organisent des visites d’exposition et un nombre croissant de médiateurs culturels accompagnent cette démarche d’ouverture à l’art et la culture. Quand les parents emmènent leurs enfants voir des expositions, cela laisse des traces. Un nombre croissant de jeunes s’intéressent à l’art et nous assistons à la naissance d’une nouvelle génération de créateurs intégrés dans un mouvement général qui dépasse l’art contemporain et amène le public à s’intéresser à tout ce qui se crée localement. Mais il est évident que c’est encore en Europe que se fixe la cote des artistes sur le marché. Je demeure convaincu que lorsque les Africains achèteront de l’art contemporain africain, ce marché prendra de la valeur.