Actualités |
Interview: Rencontre avec Faissol Gnonlonfin

Alors que la 27ème édition du FESPACO bat son plein, nous avons voulu braquer notre projecteur sur le Béninois Faissol Gnonlonfin, fondateur de Merveilles Production, qui a produit le film « Freda » de la réalisatrice Gessica Genneus (Haïti), actuellement présenté au festival ouagalais. L’interview que nous publions a eu lieu à Cannes lors du Festival international du film en juillet dernier.
Vous êtes producteur, une casquette que vous portez en soutien aux talents africains désireux de faire du cinéma. Quels sont les défis que vous rencontrez au quotidien ?
Je prends beaucoup de plaisir à travailler avec des auteurs et réalisateurs africains et en provenance d’autres pays du monde. Ce qui m’intéresse dans mon métier de producteur est l’accompagnement des auteurs. Outre les aspects financiers, il y a l’accompagnement artistique qui concerne entre autre l’écriture et le développement des projets, soit des étapes essentielles qui conduiront à la recherche et la mobilisation de financements par la suite.
L’objectif du réalisateur est de pouvoir faire son film dès que possible. Or, le financeur doit tout d’abord comprendre l’histoire que le réalisateur souhaite raconter et pourquoi lui, en particulier, peut la raconter.
Une fois ces questions réglées, on peut entamer l’écriture de l’histoire et se mettre en quête de financements et constituer une équipe qui contribuera à la création et concrétisation du projet.
En 2011, vous avez créé « Merveilles productions ». En créant cette structure, à quels besoins souhaitiez-vous répondre ?
Avant de me tourner vers la production, j’ai réalisé trois courts-métrages et un long-métrage documentaire. Lorsque je me lançais dans mon projet de long-métrage, j’ai constaté qu’il était très difficile de mobiliser un producteur autour du projet. Dans la majorité des cas, aucun producteur ne financera votre premier long métrage sans obtenir de garanties. On exige généralement de l’expérience. J’ai donc entamé un parcours du combattant avant de pouvoir sécuriser un producteur.
Après avoir réalisé mon projet de long métrage, j’ai décidé de me lancer dans la production afin d’offrir une chance aux auteurs et réalisateurs de réaliser leur premier film. A ce jour, « Merveilles Productions » a produit une douzaine de documentaires, des coproductions « séries » et « long métrages fictions ». Nous opérons désormais au Bénin, en Afrique de l’Ouest et un peu partout dans le monde.
La ligne éditoriale que j’ai choisie est la production des premiers et deuxième films. Il est effectivement difficile de faire produire ses premiers projets. Nous acceptons de porter un certain nombre de risques sur les premier films car ils sont la carte de visite qui permettra de lancer les auteurs-réalisateurs.
Comment absorbez-vous ces risques ?
Dans un premier temps, je travaille surtout sur l’accompagnement à l’écriture et au développement de projets avec les auteurs en difficultés. Aujourd’hui, on observe l’établissement d’un certain nombre de fonds en appui au développement de projets. Prenez par exemple le Fonds images de la francophonie ou encore le Fonds jeune création francophone. Grâce à ce type de ressources – qui aujourd’hui sont couplées à l’aide de l’Union européenne – , on dispose d’argent notamment pour faire du repérage, rémunérer les auteurs tandis qu’ils s’attellent à l’écriture de leur projet.
L’amélioration se fait peu à peu sentir. Par le passé, lorsque ce type de fonds n’existaient pas (aide à l’écriture, aide au développement), il était très compliqué d’amener les nouveaux projets au stade de la production.
La pandémie de la COVID-19 a affaibli les opérateurs de l’audiovisuel africain. Quelles sont les contraintes majeures auxquelles ils ont fait face ?
La crise sanitaire a essentiellement affecté les tournages. Par contre, le travail d’écriture et la participation à des commissions d’évaluation se sont poursuivi, notamment en ligne.
L’interruption des tournages a par ailleurs affecté l’ensemble des échéances de programmation en termes de post-production ou encore de sorties des films, sans oublier la brusque rupture avec le public. Or, sans public, il n’y a pas de cinéma. L’incapacité de faire circuler les films en festival, dans les salles ou encore dans les associations a fortement affecté la production des projets.
Depuis la levée du confinement, on craint un embouteillage de sorties de films en salle. Il faudra sans doute attendre deux à trois ans pour que l’équilibre s’établisse à nouveau.
On fait régulièrement référence aux plateformes digitales en tant qu’option pour la diffusion des films en provenance des pays ACP. Quel en serai(en)t l’avantage (s)?
Lorsqu’un film sort, il ne peut pas se retrouver immédiatement sur une plateforme digitale. Il faut tout d’abord le promouvoir. Après, cela dépend des accords négociés avec les plateformes : s’il est question d’exclusivité ou pas. Si on part sur la base qu’il s’agit d’un film d’auteur, il est nécessaire d’identifier et de mobiliser les publics qui peuvent y adhérer. Dès lors se pose la question du choix : quelle plateforme pour quel public ? Le documentaire d’auteur de création exige par exemple un certain niveau de compréhension des thèmes abordés par son public. Après l’image pouvant parler plus fort que des mots, il arrive que certains contenus dépourvus de voix off peuvent être accessibles à n’importe quel public.
Ainsi, il faut pouvoir déterminer à quel type de plateforme digitale, on décide de céder des droits de diffusion.
Que peut-on souhaiter pour l’avenir ?
On espère pouvoir continuer à soutenir le développement de films tout en se concentrant que la qualité. En matière de financements, il faudrait que davantage de fonds soient disponibles pour soutenir la culture, sans quoi, les films ne se feront pas.
Enfin, nous devons continuer à faire du bon travail pour encourager les États à créer des fonds de soutien au cinéma, à la culture. L’existence de ces fonds nationaux faciliteront également la mobilisation de fonds à l’international puisque la réalité montre que c’est celui qui a l’argent qui oriente la visibilité des projets. Lorsqu’un film se monte complètement en Afrique, la lumière éclaire le continent.
Pour ma part, je soutiens la coproduction internationale mais j’encourage vivement nos États à participer à l’effort car cela rejaillira positivement sur leur image, notamment lors d’une présentation dans un festival.